BURGORGUE-LARSEN ET GWÉNAËLE CALVÈS, L.
Fruit dun colloque organisé par lIREDIES à lautomne 2018, La diffamation saisie par les juges en Europe porte sur une question dont lactualité, à lère des réseaux sociaux, est chaque jour plus aigüe.
Laccès largement facilité à différents forums dexpression publique radicalise en effet les termes dun conflit classique. Dun côté, le droit à la réputation ; de lautre, le droit de parler librement.
Le droit à la réputation bénéficie, dans les systèmes de common law comme dans les droits continentaux, dune protection ancrée dans le temps long, adossée à de fortes justifications philosophiques et politiques. Ceux qui jettent le discrédit sur lun de leurs concitoyens, sur une institution de la Cité ou sur lun de ses serviteurs, doivent être appelés à répondre de leurs actes. Il en va de la paix civile, de la simple civilité, mais aussi du respect dautrui. Les Etats parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ont ainsi lobligation minimale de protéger chacun contre « des atteintes illégales à son honneur et à sa réputation ».
Or les Etats doivent aussi garantir lexercice de la liberté dexpression, qui inclut évidemment le droit de critiquer, de dénoncer, de brocarder, de révéler des vérités cachées
Mais jusquoù ? Quelles responsabilités emporte la faculté de « livrer aux chiens lhonneur dun homme » ? La question posée par François Mitterrand le jour des funérailles de Pierre Bérégovoy fait écho à la définition que la Cour européenne des droits de lhomme donne des journalistes ou des associations lanceuses dalerte : « chiens de garde de la démocratie ».
Aboyer pour alerter la Cité et protéger le bien commun, ou aboyer pour mordre et tuer ? Les contributions réunies dans cet ouvrage montrent que le curseur est difficile à fixer. Les cours régulatrices dont la jurisprudence est ici examinée sefforcent, en fonction des différents ordres de valeurs juridico-politiques dont elles sont les gardiennes, de fixer un cap aux juridictions du fond appelées, vaille que vaille, à maintenir un équilibre entre deux exigences démocratiques contradictoires.